COMMUNIQUE DU 27/03/2014
En 2009, quand nous,
professionnels de l’urgence sociale, avons commencé à nous mobiliser sur les
questions d’hébergement-logement, 100 personnes appelaient le 115 chaque jour
sans obtenir de solution d’hébergement. Il était à cette époque tout simplement
inconcevable de laisser des enfants
dormir dans la rue.
Aujourd’hui, nous reprenons la
parole au moment où le cycle infernal
des remises à la rue continue en dépit de tous les beaux discours qui affirment le contraire (cf. déclarations mensongères du Préfet dans la presse sur le nombre de
personnes sans solution d’hébergement). Oui, 600 à 700 personnes sont laissées à la rue chaque
nuit à Lyon et 400 à 600 vont les y rejoindre à la fermeture des dispositifs
d’hébergement hivernaux… Ce sont des femmes, des hommes, des enfants de tous âges qui seront remis à la
rue à partir du 28 mars dont nous voulons parler… (la trêve
électorale leur permettra tout de même de passer 3 nuits de plus à l’abri à
l’hôtel, quelle hypocrisie !)
Nous rappelons une énième fois
que la loi (1) oblige l’Etat à répondre à toute demande
d’hébergement ou de logement. Les personnes accueillies dans les
centres d’hébergement sont donc protégées par le cadre légal et sont en droit
de se maintenir à l’abri jusqu’à ce qu’une solution pérenne et adaptée leur
soit proposée.
Tandis que les associations qui gèrent le dispositif
d’hébergement, les grandes fédérations
- censées promouvoir le droit des plus démunis -, les différents partis politiques en charge des
questions locales se cachent derrière un silence coupable et insoutenable, la
situation n’a jamais été aussi dramatique. Personne n’ose la dénoncer
publiquement. L’omerta est de mise quand il s’agit des sans abri…
On nous a demandé, en tant que
professionnels du secteur, de jouer le jeu du système, d’être patients, de
tenir compte des efforts consentis par l’Etat, de la crise, etc. Nous avons
travaillé à accompagner toutes ces personnes du mieux possible, nous avons
naïvement fait confiance à ceux qui prennent les décisions déterminantes pour
l’avenir de ceux qui n’ont d’autre choix que de s’en remettre à la solidarité
nationale…
Mais peut-on encore parler de
solidarité quand les critères
imposés par les services de l’état sont de plus en plus drastiques et arbitraires pour définir qui aura la chance de voir
son hébergement continuer : cette année, par exemple, seules les familles
monoparentales avec des enfants de moins de 1 an seront choisies (3 ans l’année
dernière). Pour l’enfant qui vient de
« fêter » son premier anniversaire : c’est DEHORS !
Peut-on encore parler de travail
social quand on nous demande de faire des choix aussi inhumains
qu’inimaginables ? Qui sera maintenu sur la place disponible ?
Choisirai-je le vieux monsieur
octogénaire et aveugle ou le couple dont
le nourrisson vient de mourir ? Choisirai-je la femme qui va accoucher dans quelques jours ou le grand diabétique qui ne peut plus sortir de
son lit médicalisé ? Choisirai-je la
maman qui sera hébergée à condition qu’elle voit ses enfants placés ou celle avec son fils de 4 ans qui subit des
violences conjugales ? Nous n’aurons pas à choisir parmi les personnes
seules qui, elles, seront toutes « logées à la même
enseigne » : dans la rue. Ces exemples sont malheureusement bien
réels.
Aujourd’hui, nous sommes amers et
écœurés. Ces personnes mourront de
l’indifférence générale, et nous nous retrouvons avec eux, démunis,
impuissants. L’Etat et tous les
acteurs restent sourds et silencieux, nous ne continuerons pas à participer à
cette mascarade organisée et à être ainsi les complices muets de ces drames
prévisibles. L’Etat est, encore une fois, hors la loi, nous en
appelons donc à la ministre du logement, Madame Duflot qui annonçait à Lyon en
octobre 2012 la fin de la gestion au thermomètre de la politique d’hébergement.
Réseau des Professionnels de l'Urgence Sociale
(1) Article L345-2, 2 et 3
du Code de l’Action Sociale et des Familles